Climat: le « paquet de Durban », désastreux, accélére la catastrophe climatique

DURBAN, AFRIQUE DU SUD, 13 DÉCEMBRE 2011 – Les négociations sur le climat de Durban sont un véritable échec, et font reculer le monde en sapant davantage un système multilatéral d’ores et déjà défectueux et insuffisant censé faire face à la crise climatique, annonce aujourd’hui Les Amis de la Terre International.
Les pays riches industrialisés se sont livrés à un jeu d’illusion en délivrant une rhétorique sans action. Refusant de s’engager envers des réductions d’émissions urgentes, ils ont même fait marche arrière, revenant sur d’anciens engagements visant à affronter la crise climatique, souligne la fédération des Amis de la Terre International.
Le résultat des négociations de Durban, annoncé par certains comme une avancée, se résume en fait en quelques points :
- Aucune avancée sur des actions justes et contraignantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
- Aucune avancée sur la question urgente du financement climatique
- Augmentation vraisemblable de l’expansion de solutions fausses tel que l’échange de droits d’émission de carbone
- L’enfermement des économies reposant sur les combustibles fossiles polluants
- Le démantèlement du cadre international contraignant visant à apporter une action climatique reposant sur des considérations scientifiques et justes.
Malgré la résistance des pays en développement aux propositions destructrices faites à Durban, le résultat final a pour conséquence :
- Une nouvelle « plateforme de Durban » qui retardera d’une décennie l’action climatique. Au lieu de mettre à exécution la feuille de route existante, équitable et ambitieuse qui avait été convenue à Bali il y a quatre ans, un nouveau processus visant à lancer des négociations pour un nouveau traité a été validé à Durban. La « plateforme de Durban » retardera de dix ans l’action qu’il faut entreprendre de toute urgence pour sauver le climat.
- Un affaiblissement considérable du protocole de Kyoto. Le protocole de Kyoto est le seul cadre international existant stipulant des réductions d’émissions contraignantes pour les pays riches industrialisés. Ces pays sont responsables des trois quarts des émissions dans l’atmosphère, bien qu’ils n’hébergent que 15% de la population mondiale. La seconde période d’engagement du protocole de Kyoto n’a toujours pas été convenue formellement et ne couvrirait que l’Union Européenne ainsi qu’une poignée d’autres pays développés.
- Des cibles foncièrement insuffisantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Prises de pair avec des échappatoires onéreuses convenues à Durban qui aident les pays à esquiver les réductions d’émissions, ces promesses dérisoires signifient selon toute vraisemblance une augmentation nette des émissions d’ici à 2020.
- Le déplacement de la responsabilité de l’action climatique sur les pays en développement, lesquels sont le moins responsables du réchauffement climatique, disposent des ressources les plus faibles pour y faire face, et doivent en outre combattre la pauvreté tout en essayant de se développer.
- Absolument aucune avancée sur la question urgente d’un financement public nouveau et supplémentaire pour l’action climatique et les mesures d’adaptation menées par les pays en développement afin de protéger des impacts climatiques les communautés vulnérables. Le Fonds vert pour le climat a été approuvé, sans aucun moyen pour remplir les caisses, et agrémenté d’une disposition qui pourrait permettre aux multinationales et aux acteurs financiers du secteur privé d’avoir directement accès à ces fonds.
- La probabilité de nouvelles opportunités pour l’échange de droits d’émission de carbone, une solution fausse et destructrice à la crise climatique qui entérine l’inaction face au changement climatique, accélère l’appropriation des terres et le déplacement des communautés et pourrait contribuer à un nouvel effondrement de l’économie mondiale.
« Les pays développés, menés par les Etats-Unis, ont accéléré la démolition du cadre international proposant une action climatique juste et urgente. Les pays développés ont été contraints et forcés d’accepter un accord qui pourrait signer l’arrêt de mort du monde », a déclaré Nnimmo Bassey, président des Amis de la Terre International.
« A la veille des négociations sur le climat, des centaines de familles de Durban ont perdu leurs maisons, et certains ont perdu la vie dans des inondations dévastatrices. De la Corne de l’Afrique à la Thaïlande en passant par le Venezuela et l’Etat de Tuvalu, constitué d’atolls, des centaines de millions de personnes supportent le poids d’une crise climatique qu’ils n’ont pas créée. Le manque d’avancées aux négociations de Durban signifie que nous nous rapprochons d’un réchauffement à venir de 4 à 6 degré Celsius qui précipiterait la plus grande partie de l’Afrique et les petits Etats insulaires dans une catastrophe climatique et détruirait les vies et les moyens de subsistance de millions d’autres à travers le monde », a poursuivi Nnimmo Bassey.
Le résultat désastreux des négociations de Durban est imputable à l’effort fourni conjointement par les gouvernements des pays riches industrialisés, notamment les Etats-Unis, le Canada, le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Russie et l’Union Européenne. Les Etats-Unis, surtout, sont responsables, car ils ont été le moteur le plus puissant du démantèlement du cadre contraignant visant la réduction des émissions des pays développés. Les Etats-Unis ont refusé de prendre des engagements envers une réduction de leurs émissions en vertu du protocole de Kyoto, et ont essayé de remplacer ce système par un autre, plus faible et moins efficace, de promesses reposant sur la base du volontariat.
Le Canada, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Russie et l’Australie ont suivi le même objectif en essayant d’échapper à leurs obligations juridiques et morales en matière de réduction d’émissions. Le Canada, le Japon et la Russie ont refusé immédiatement les réductions d’émissions en vertu de la seconde période d’engagement au protocole de Kyoto, et l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont rendu conditionnel leur engagement, laissant l’Union Européenne et une poignée d’autres pays développés couverts par l’accord à Durban.
L’ordre du jour de l’Union Européenne – annoncée comme chef de file en matière de climat et sauveuse des négociations de Durban – était pétri de fausses promesses. L’Union Européenne a été un architecte clé de la nouvelle « Plateforme de Durban » qui retardera toute action de dix ans, reverra toutes les ambitions à la baisse et livrera un système plus faible et moins efficace que le protocole de Kyoto. A Durban, la stratégie de l’Union Européenne a provoqué la scission du groupe des pays développés et a forcé les économies émergentes comme l’Inde et la Chine – et des centaines de millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté – d’endosser des responsabilités injustes en vue de combattre la crise climatique. En outre, l’Union Européenne a bloqué toute avancée dans la fermeture des échappatoires dangereuses au sein des cibles d’émissions existantes, et a été le moteur principal de l’expansion de l’échange de droits d’émission du carbone.
Le résultat désastreux de Durban s’explique par l’importance énorme octroyée à des sociétés polluantes et d’autres intérêts financiers dans les positions adoptées par les gouvernements. La pression et l’influence exercées par ces groupes sapent la capacité des citoyens ordinaires et de la société civile à rendre nos gouvernements responsables de leurs actions envers le climat et de leurs positions au sein des négociations internationales.
« Les gouvernements des pays développés ont œuvré de connivence pour affaiblir les règles qui exigent de leurs pays qu’ils agissent sur le climat tout en renforçant les règles qui permettent à leurs entreprises de profiter de la crise », souligne Bobby Peek de groundWork / Les Amis de la Terre Afrique du Sud.
« Après le renflouement des banques, les pays riches présents aux négociations sur le climat ont refusé d’attribuer un seul dollar au financement climatique pour les pays développés. Ils ont insisté pour permettre aux multinationales ainsi qu’aux élites mondiales de la finance un accès direct au Fonds vert pour le climat, et ont abondé dans le sens de spéculations dangereuses par le biais de la bulle du marché du carbone. Les intérêts de cet accord sont clairement identifiés, et ils ne représentent pas 99% des personnes à travers le monde », a poursuivi Bobby Peek.
De nombreux négociateurs des pays développés ont exprimé leur inquiétude au cours des négociations. Le groupe de l’Afrique (comportant les 54 pays de l’Afrique), l’Inde, le Venezuela, la Bolivie, les Philippines, la Thaïlande, la Malaisie, le Nicaragua et un certain nombre de petits Etats insulaires ont repoussé les propositions dangereuses qui étaient avancées. Mais les pays en développement ont été forcés d’accepter un paquet en vue de sauver le protocole de Kyoto et le Fonds vert pour le climat et n’ont pas réussi à rester forts et unis face au résultat désastreux des négociations. L’Inde, un des critiques les plus virulents, s’est pliée à la dernière minute aux exigences des Etats-Unis et d’autres pays développés en vue que les dispositions pour protéger une approche équitable du combat contre le changement climatique soit exclues de l’accord de Durban.
« Une fois n’est pas coutume, les personnes ordinaires ont été délaissées par les gouvernements. Derrière l’échec de Durban se cache l’influence monumentale des sociétés polluantes et la puissance disproportionnée du monde industrialisé. Le bruit des intérêts particuliers a recouvert les voix des personnes ordinaires que nos dirigeants n’ont pas entendues », a déclaré Sarah-Jayne Clifton, coordinatrice pour la Justice climatique des Amis de la Terre International.
« Il est évident qu’à l’heure actuelle nos gouvernements ne peuvent pas faire le travail que l’on attend d’eux. Mais en dehors des salles de négociations, dans nos universités, sur les lieux de travail et dans la rue, des mouvements dynamiques se forment pour construire un monde équitable et meilleur. C’est dans ce mouvement en plein essor – de travailleurs, de femmes, d’agriculteurs, d’étudiants, de peuples indigènes et d’autres encore affectés par ce système économique cupide – que nous pouvons trouver l’espoir de solutions à la crise climatique », a ajouté Sarah-Jayne Clifton.
QU’EN EST-IL DÉSORMAIS DE LA JUSTICE CLIMATIQUE ?
La fédération des Amis de la Terre International est convaincue qu’il faut transformer radicalement notre économie mondiale pour créer un monde plus juste et durable. Pour que cet objectif devienne réalité, nous devons procéder à des réductions d’émissions drastiques reposant sur une base scientifique et équitable, ainsi qu’à une transformation de nos économies. Les pays développés ont l’obligation morale et juridique d’honorer leur dette climatique et de fournir un financement public adéquat aux pays développés afin que ces derniers se développent durablement et protègent les plus vulnérables des impacts du climat. Un accord des Nations Unies fort et juste sur le climat est essentiel, et pour l’obtenir, nous travaillerons de pair avec d’autres pour renforcer le mouvement pour la justice dans tous les pays et pour mettre nos gouvernements face à leurs responsabilités pour garantir que la politique œuvre pour les personnes et la planète, et non pour le profit.
POUR PLUS D’INFORMATIONS
- Les Amis de la Terre International ligne médias : +31-20- 622 13 69 (numéro néerlandais) ou par email : media@foei.org
- Nnimmo Bassey, président des Amis de la Terre International : +234 803 727 4395 (numéro de portable nigérian) ou par email : nnimmo@eraction.org
- Bobby Peek, directeur des Amis de la Terre Afrique du Sud / groundWork : +27 824 641 383 ou par email : bobby@groundwork.org.za
- Sarah-Jayne Clifton, coordinatrice du Programme de Justice climatique et énergétique pour les Amis de la Terre International : +44 79 12 40 65 10 ou par email : sarah.clifton@foe.co.uk