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Le 27 février, Indra Pelani, un fermier de 22 ans et défenseur de l’environnement de Jambi, Indonésie, voyageait en direction d’un festival de récolte quand il a été brutalement assassiné par la force de sécurité de PT WKS (Wirakarya Sakti), une filiale d’Asia Pulp and Paper, une société indonésienne avec une longue histoire de conflits dans la région.

Pelani, un membre de l’Union des fermiers de Tebo, voyageait avec Nick Karim de la branche Jambi de WAHLI/Les Amis de la Terre Indonésie, quand il a été attaqué, battu brutalement et tué. Les sept gardes soupçonnés du meurtre se sont rendus à la police quelques jours plus tard.

“Ceci apparait comme un meurtre brutal et prémédité”, a déclaré Riko Kurniawan, directeur exécutif de WAHLI/Les Amis de la Terre Riau. La communauté de Pelani est en conflit depuis une décennie avec WKS au sujet de la propriété de 2.000 hectares de terres agricoles. “Nous espérons que justice sera rendue cette fois-ci”, a ajouté Kurniawan, “au contraire des cas de 2010 et 2012, dans lesquels deux fermiers avaient été tués dans des circonstances similaires, provenant de conflits sociaux avec les fournisseurs d’APP à Jambi et Riau”.

Le meurtre s’est produit juste après les efforts d’APP de regagner sa réputation en tant que plus grand déforesteur tropical dans le monde. La société est l’une de plusieurs dans le secteur qui ont émis une politique de conservation forestière avec la non-déforestation comme but en 2013 et est signataire de la déclaration de New-York sur les forêts, une promesse de la part de sociétés, de gouvernements et d’ONG de réduire la déforestation de moitié d’ici à 2020.

Les Amis de la Terre International ont envoyé une lettre au président indonésien Joko Widodo, demandant une action positive et rapide pour traduire en justice les meurtriers de Pelani et empêcher davantage de violence de la part d’APP.

Une autre lettre ouverte est distribuée par Walhi Jambi, demandant la poursuite immédiate de tous les acteurs impliqués dans le crime.

Cet incident n’est que le dernier d’une longue succession de meurtres associés avec l’exploitation de la forêt; mais la violence prend d’autres formes aussi.

Dans les iles Kalangala en Ouganda, Magdalena Nakamya est l’une de centaines de petites exploitantes agricoles qui ont été chassées de leurs terres par les plantations d’huile de palme. Un matin en juillet 2011, Nakamya, 64 ans, s’est réveillée pour trouver des machines entrain de labourer sa terre et raser ses cultures.

“Personne n’est venu me parler avant de détruire mes champs”, a déclaré Nakamya au Guardian au Royaume-Uni, dans un article publié plus tôt ce mois-ci.

Nakamya fait partie de centaines de fermiers ougandais qui ont déposé une plainte le mois dernier contre une joint-venture, dont le géant de l’industrie Wilmar International est propriétaire.

Tout comme APP, Wilmar fait partie des premiers négociants d’huile de palme dans le monde à s’engager pour la non-déforestation et la non-exploitation en conséquence d’années de campagne des groupes environnementaux.

Avec le soutien des Amis de la Terre Ouganda, des centaines de fermiers dépossédés demandent une restitution et une compension équitable pour les dommages, trois ans après que leur terre ait été prise pour le développement de plantations.

John Muyiisa, l’un des plaignants, a déclaré: “Quand j’ai perdu cette terre, je n’ai pas seulement perdu mes moyens d’existence, j’ai aussi perdu ma pension et un revenu garanti pour mes enfants et mes petits-enfants. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour récupérer ma terre – je suis même allé au bureau du président de l’Ouganda. Maintenant, je fais appel à la court de justice pour nous apporter justice”.

Dans sa réponse aux accusations de tort, Wilmar souligne que le processus d’achat de la terre était la responsabilité  du gouvernement ougandais, pas celle de la société. “Personne n’a été chassé pour ce projet”, a déclaré Wilmar au Guardian.

Muyiisa et Nakamya, il semble, seraient d’un avis différent de celui de Wilmar. Et, alors que la société cherche à rejeter la responsabilité sur le gouvernement ougandais, et que le gouvernement affirme avoir suivi toutes les exigences légales, le fait reste que des centaines de fermiers ont été déplacés de leurs terres par un projet d’huile de palme qui affirme respecter les droits humains et que les deux parties concernées – la société et le gouvernement – portent la responsabilité.

En février, Wilmar a lancé un “tableau de bord de durabilité” pour donner des informations sur ses progrès envers la durabilité – un mouvement que ses développeurs au Forest Trust ont applaudi comme un pas vers la lumière, pour une industrie qui a longtemps profité d’une manque total de transparence. Bien que cette initiative constitue un pas important vers l’ouverture des chaines de fourniture d’huile de palme à une règlementation et un examen minutieux bien nécessaires, la plateforme web n’est qu’en anglais – qui n’est pas la langue principale parlée dans les régions productrices d’huile de palme – et jusqu’a présent, elle manque également d’informations sur l’acquisition des terres par les plantations d’huile de palme comme celles en Ouganda.

En tant qu’effort pour apporter une meilleure règlementation du secteur par les gouvernements, il n’y a aucun doute que le “tableau de bord” de Wilmar est d’une grande utilité; mais personne ne devrait être trompé en pensant que les fermiers dépourvus de leurs terres par les projets d’huile de palme comme John Muyiisa et Magdalena Nakamya, trouvent un quelconque secours dans cet effort.

“Les sociétés actives dans le sud global et leurs experts financiers ont encore la permission de s’auto-surveiller”, a écrit Sam Lowe des Amis de la Terre Angleterre, Pays de Galles et Irlande du Nord la semaine dernière dans le Guardian du Royaume-Uni. Fournissant une analyse claire de l’accaparement des terres en Ouganda, Lowe argumente que l”auto-surveillance a échoué”.

Si quoi que ce soit peut-être tiré comme leçon des attaques continues sur des défenseurs de l’environnement comme Indra Pelani et le déplacement forcé de communautés en Ouganda, c’est que peu importe combien les groupes industriels promeuvent leurs engagements envers l’amélioration de leurs pratiques, ces engagements doivent être renforcés par une règlementation gouvernementale et une prise de responsabilité.

Comme Mina Setra de l’Alliance des peuples indigènes de l’archipel en Indonésie a déclaré en février lors de la conférence sur les droits fonciers, animée par l’Initiative des droits et des ressources: “Des engagements envers une déforestation zéro doivent venir main dans la main avec zéro évictions, zéro crimes et zéro meurtres. Nous ne pouvons pas commencer à parler d’arrêter la déforestation en continuant de tuer les gens qui le font sur le terrain”.