Le Traité de l’ONU, un ensemble de normes internationales obligatoires

Les Amis de la Terre International se sont rendus à Genève une fois de plus, car l’ONU continue de travailler à l’élaboration d’un traité contraignant concernant les sociétés transnationales et les droits de l’homme. L’année en cours est très importante pour le processus du traité, du moment que le groupe de travail intergouvernemental entend commencer à négocier un premier brouillon quand il se réunira pour sa 3e session en octobre prochain.
« Le Traité de l’ONU ne porte pas sur la ‘responsabilité sociale des entreprises’ ni sur des mécanismes volontaires ; il s’agit d’un ensemble de normes internationales obligatoires dont le but est de mettre fin à l’impunité des sociétés transnationales. Cela implique que les droits des peuples doivent être mis au centre et passer avant les profits économiques des entreprises. »
Lucía Ortiz, Les Amis de la Terre International
La session ordinaire du Conseil des droits de l’homme, qui s’est déroulée du 6 au 23 juin, a fourni aux Amis de la Terre International et à leurs alliés l’occasion d’attirer l’attention sur leurs exigences concernant le processus du traité obligatoires et de faire pression sur les États pour qu’ils s’y engagent. Le plus souvent, la question des grandes entreprises et des droits de l’homme n’est débattue que dans des termes très généraux et ambigus. Ainsi, l’impunité des transnationales est monnaie courante. Les Amis de la Terre veulent attirer l’attention des décideurs sur la réalité de cette impunité.
Les transnationales sont les auteurs de violations des droits de l’homme, et non les protectrices de ces droits, comme à tort on les présente souvent. Les personnes touchées par les activités des entreprises, et surtout les défenseurs de l’environnement et des droits de l’homme, ont besoin d’être écoutés. Les gens doivent être au centre de ce processus.
Tchenna Maso, du Mouvement pour les victimes des barrages du Brésil (MAB) a attiré l’attention sur des événements tragiques qui viennent d’avoir lieu dans ce pays, comme le crime commis par Vale et BHP Billington au fleuve Doce et le contexte actuel où le gouvernement illégitime de Michel Temer agit en faveur des intérêts des transnationales. Les incendies de forêt sont en train d’étouffer l’Indonésie, grâce aux entreprises qui défrichent afin de faire des plantations pour produire de l’huile de palme et de la pâte à papier. Des associations d’industriels de l’huile de palme et du bois impliqués dans ces crimes ont intenté un procès contre les lois indonésiennes sur l’environnement et les forêts, dans le but d’en faire éliminer la notion de responsabilité inconditionnelle qui tient les entreprises pour responsables de tout incendie sur leurs terres.
La nécessité d’un traité obligatoire n’a jamais été plus urgente, vu l’accélération des violations des droits de l’homme et de la persécution des défenseurs de l’environnement. Ce mois-ci a démarré une audience qui vise à obtenir justice pour Berta Cáceres, l’activiste hondurienne assassinée.
« Nous voyons que les moyens d’existence des peuples sont détruits, nous voyons que les activistes de l’environnement, les défenseurs des droits de l’homme, les défenseurs des territoires et de la vie sont persécutés par les grandes entreprises et réprimés par les États. En tant qu’organisations pour la justice environnementale, nous ne pouvons pas permettre que cela continue. Nous devons mettre fin à cette impunité. Les sociétés transnationales doivent être jugées pour leurs crimes. »
Karin Nansen, Présidente des Amis de la Terre International
Le traité obligatoire n’a pas été directement discuté au cours de la session, qui s’est centrée par contre sur la constitution et la prolongation du mandat du groupe de travail de l’ONU sur les ‘Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme’, une approche purement volontaire qui ne fixe aux entreprises aucune exigence obligatoire. Elle est analysée surtout du point de vue du secteur des affaires, sans tenir compte des victimes de l’impunité des entreprises. Par exemple, ni l’État ni la transnationale concernée n’ont indemnisé la communauté nigériane d’Ikebiri des effets dévastateurs d’un déversement de pétrole. Avec l’aide d’ERA / Amis de la Terre Nigeria et des Amis de la Terre Europe, la communauté elle-même a dû intenter un procès au géant pétrolier. El Salvador a interdit l’extraction de métaux pour protéger de la convoitise des transnationales le droit de son peuple à l’eau. L’Équateur a mis fin aux traités d’investissement bilatéraux qui protègent les investisseurs au détriment des intérêts publics. Bien que ces nouvelles soient encourageantes, elles ne sont pas la norme. Les principes directeurs ne suffisent pas, ils s’occupent des droits de l’homme uniquement du point de vue des entreprises, ce qui est injuste. Le prochain pas devra être l’approbation d’un traité obligatoire par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDHNU).
Ainsi, les Amis de la Terre International et leurs alliés, dont la Campagne mondiale pour démanteler le pouvoir des grandes entreprises et mettre fin à l’impunité et l’Alliance pour le Traité, demandent un instrument international à force exécutoire qui mette fin aux abus et aux violations des droits de l’homme que commettent les grandes entreprises, un instrument qui soit élaboré à l’intention des communautés concernées et non des transnationales.
La veille de l’ouverture de la session ordinaire, soit le 5 juin, a été une date poignante, celle où l’occupation israélienne de la Palestine et les violations des droits de l’homme dans ce pays ont eu 50 ans. Ce fut l’occasion de dire ‘en voilà assez !’, non seulement au sujet de l’occupation militaire israélienne mais également au sujet des abus que commettent les entreprises de ce pays. La compagnie des eaux israélienne Mekorot vole de l’eau aux Palestiniens et les empêche d’accéder à cette ressource naturelle.
« Les États doivent remplir les obligations fixées par la législation internationale et exercer des pressions sur Israël afin de condamner ses violations continuelles des droits de l’homme et d’y mettre fin. »
Abeer Butmeh, PENGON – Amis de la Terre Palestine
Les Amis de la Terre International et leurs alliés sont en train d’élaborer des propositions concernant le contenu d’un traité contraignant qui oblige les entreprises à respecter les droits de l’homme. Ces propositions seront présentées avant la prochaine session de négociations qui aura lieu en octobre.
Ils réclament aussi que l’on limite la participation des grandes entreprises au processus du traité, afin d’éviter qu’elles se l’approprient. Pour rappeler l’existence de ce conflit d’intérêts, les Amis de la Terre International et leurs alliés ont demandé au Haut-commissaire aux droits de l’homme, au cours de la 35e session du CDHNU, « d’annuler le soi-disant partenariat avec Microsoft et de cesser tout accord avec d’autres entreprises ou groupes d’entreprises ».
À l’heure actuelle, les gens n’ont aucun moyen d’obtenir justice quand ils sont victimes des atrocités que commettent les transnationales : il est grand temps qu’un nouveau traité obligatoire réponde à ce besoin. Nous devons continuer d’œuvrer pour susciter une grande mobilisation en faveur du processus du traité.
Image:Les Amis de la Terre International à Genève, Juin 2017