Réaction au rapport de synthèse du GIEC : « Il est dangereux de parier sur les technologies d’élimination du carbone »

Amsterdam, 20 mars 2023. L’organe des Nations unies chargé de la science du climat souligne les périls engendrés par l’accélération des impacts climatiques et insiste sur la nécessité de réduire rapidement les émissions et mettre en œuvre un changement radical de système. Toutefois, dans la foulée, il fait également la promotion de technologies à émissions négatives qui peuvent s’avérer extrêmement dangereuses.
Sara Shaw, coordinatrice de programme aux Amis de la Terre International, a commenté :
« Il est très alarmant de constater que le concept d’élimination du dioxyde de carbone dans l’atmosphère figure dans le rapport du GIEC. Nous ne pouvons pas nous fier à des technologies d’élimination qui sont encore au stade hypothétique, risquées, non testées voire carrément dangereuses, simplement parce que les grands pollueurs veulent maintenir le statu quo. Un abandon équitable et rapide du pétrole, du gaz et du charbon doit intervenir avant la fin de cette décennie et cela est possible à condition d’en avoir la volonté politique.
Ce rapport est l’évaluation la plus catastrophique et la plus troublante à ce jour de l’aggravation des conséquences climatiques auxquelles nous serons tous confrontés si des changements systémiques ne sont pas mis en œuvre sans tarder. Nous devons entendre les messages urgents contenus dans le rapport du GIEC, sans tomber dans le piège de croire que l’élimination du dioxyde de carbone suffira à sauver la situation. »
Le rapport de synthèse AR6 du GIEC, qui paraît aujourd’hui, confirme que l’activité humaine a provoqué un réchauffement sans précédent au cours des 2000 dernières années. Les effets du changement climatique se font surtout sentir dans les régions vulnérables, dans lesquelles une tempête, une sécheresse ou une inondation s’avèrent être quinze fois plus meurtrières.
Les scientifiques soulignent la nécessité de réduire rapidement les émissions à la source et de cesser toute nouvelle exploitation du pétrole, du gaz et du charbon. Les émissions provenant des infrastructures de combustibles fossiles existantes dépassent à elles seules le budget carbone auquel nous devons nous tenir si nous voulons éviter de dépasser le seuil des 1,5 degrés de réchauffement et les conséquences catastrophiques que ce dépassement entraînera.
Les Amis de la Terre International s’inquiètent du fait que, malgré les avertissements insistants et détaillés des scientifiques, de nombreuses prévisions du rapport en ce qui concerne l’avenir partent du principe que le monde dépassera les 1,5 degrés de réchauffement, mais qu’il devrait être possible de compter sur les technologies à émissions négatives pour inverser la tendance par la suite.
Hemantha Withanage, président des Amis de la Terre International, ajoute :
« Dans mon pays, le Sri Lanka, les effets du changement climatique se font sentir dès maintenant. Nous n’avons pas le temps de courir après des chimères comme les hypothétiques technologies d’élimination du carbone censées aspirer le carbone dans l’air. Le GIEC nous montre la voie : le changement climatique tue les gens, la nature et la planète ; et le GIEC formule une partie de la bonne solution en reconnaissant la nécessité d’un abandon équitable et rapide des combustibles fossiles ainsi que la fourniture d’un financement pour une transition juste. En revanche, le fantasme visant à dire qu’on peut se permettre de dépasser les limites viables et de miser sur des rustines technologiques à haut risque et non prouvées n’est certainement pas la bonne solution au problème. »
Les technologies d’élimination du carbone reposent sur l’idée que le CO2 déjà émis peut être éliminé de l’atmosphère à l’aide de méthodes naturelles, comme la plantation d’arbres, ou de solutions techniques, comme le « Captage et le stockage du carbone » (CSC) ou le « Captage direct dans l’air » (souvent associé au CSC sous le nom de DACCS). Les recherches menées par les Amis de la Terre International ont démontré la multitude de problèmes que posent les méthodes d’élimination « basées sur la nature ». Ces projets sont synonymes d’accaparement des terres et de violation des droits, principalement ceux des communautés vulnérables dans les pays du Sud. Ces solutions ne feront qu’aggraver la crise climatique au lieu de la résoudre.
Le « dépassement » est l’idée que nous pouvons franchir impunément le garde-fou des 1,5 degrés de réchauffement fixé dans l’Accord de Paris, prévoyant ensuite de recourir à une hypothétique technologie d’absorption du carbone pour stabiliser la hausse des températures et redescendre à 1,5 degré par la suite. Le GIEC lui-même, dans son rapport de synthèse, avertit que « le dépassement entraîne des impacts négatifs, dont certains sont irréversibles, et des risques supplémentaires pour les systèmes humains et naturels, qui s’aggravent tous en fonction de l’ampleur et de la durée du dépassement ».
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Pour plus de commentaires et d’informations, veuillez contacter Madeleine Race, chargée de communication pour les Amis de la Terre International : madeleine[a]foei.org