Vale do Javari Indigenous Land

Les Amis de la Terre International font par la présente part de leur inquiétude et de leur indignation, et condamnent vivement l’assassinat du militant autochtone brésilien Bruno Araújo Pereira, ainsi celui de Dom Phillips, journaliste britannique et correspondant pour le journal The Guardian, confirmés par la police fédérale du Brésil le 15 juin.

Ces deux personnes ont disparu le 5 juin au matin dans le territoire autochtone de Vale do Javari, dans l’État brésilien de l’Amazonas. Ces défenseurs ont été vus pour la dernière fois tandis qu’ils se déplaçaient de la communauté de Ribeirinha São Rafael vers la ville d’Atalaia do Norte (dans laquelle ils étaient attendus). Les deux hommes travaillaient sur un projet avec le groupe local « Union des organisations autochtones de Vale do Javari » (Unión de Organizaciones Indígenas de Vale do Javari, UNIVAJA).

La réserve indienne Vale do Javari a été reconnue, et ses frontières délimitées, en 2001. Vingt-six peuples autochtones y habitent, parmi lesquels certains vivent dans un isolement choisi, ainsi que d’autres groupes dont le premier contact avec des populations extérieures est récent. La zone est située dans une région frontalière entre le Brésil, le Pérou et la Colombie, dans laquelle le contexte est tendu du fait de la présence de trafiquants de drogue. Le territoire est régulièrement la cible d’intrusions de bûcherons et de mineurs (« garimpeiros« ), ce qui rend cet environnement hostile. Des plaintes ont été déposées pour maltraitance à caractère sexuel sur des enfants, tandis que les peuples autochtones et les défenseurs locaux des droits humains (parmi lesquels Bruno Araújo) font fréquemment l’objet de menaces. Cet accaparement progressif rend de moins en moins possible les modes de vie traditionnels.

La gestion de la Fondation nationale des Indiens (FUNAI) suscite d’autres inquiétudes. Depuis juillet 2019, la présidence est entre les mains du délégué de la police fédérale Marcelo Augusto Xavier, à la suite de la démission de son prédécesseur, un militaire de carrière. Le 6 septembre de la même année, Maxciel Pereira dos Santos, un habitant autochtone, était assassiné dans la région. Bruno Araújo, qui occupait un poste de fonctionnaire à la FUNAI, a demandé fin 2019 à en être détaché, en raison de préoccupations liées au profilage dont la Fondation fait l’objet. En 2021, des organisations autochtones ont dénoncé la présidence de Xavier, à la suite de déclarations encourageant la violence et le génocide des populations locales.

Il y a quelques jours, la Justice Fédérale du Brésil a exigé de la FUNAI qu’elle retire les accusations diffamatoires faites lors des perquisitions contre l’organisation UNIVAJA, et a interdit « de discréditer la trajectoire du militant Bruno da Cunha Araujo et du journaliste Dom Phillips ».

Au Brésil, la violence exercée à l’encontre des peuples autochtones et de leurs territoires s’est accentuée sous le gouvernement autoritaire d’ultra-droite de Jair Bolsonaro. UNIVAJA a indiqué avoir reçu des menaces dans le cadre de ses travaux sur le terrain ; des plaintes ont été déposées auprès de la police fédérale, du procureur fédéral et des organismes de défense des droits humains.

Dans sa déclaration publiée le 15 juin, UNIVAJA a affirmé que l’assassinat de Pereira et de Phillips constitue un crime politique, puisque tous deux étaient des défenseurs des droits humains et sont morts alors qu’ils menaient des activités en faveur des peuples autochtones de la vallée du Javari.

C’est la raison pour laquelle nous appelons la communauté internationale et les mouvements sociaux du monde entier à se faire entendre et à dénoncer cette situation, tout en surveillant de près la suite de ces événements.

Nous appelons à la solidarité internationaliste pour faire pression sur le gouvernement brésilien, avec les demandes suivantes :

1. La poursuite des enquêtes pour retrouver les auteurs matériels et intellectuels du meurtre de Bruno Pereira et Dom Phillips ;

2. Mener des enquêtes de manière transparente par le biais des institutions compétentes, sous le contrôle d’instances internationales des droits humains. Cela doit inclure des sanctions pour les responsables de l’intrusion sur le territoire indigène Vale do Javari et de la disparition des défenseurs.

3. Garantir les droits des peuples autochtones sur leurs territoires, et garantir le droit à l’autodétermination au Brésil.

Ce que vous pouvez faire :

Nous devons également faire preuve de solidarité avec le peuple brésilien et les organisations, mouvements et familles de nos frères disparus. 

  • Organisez des actions publiques devant les ambassades du Brésil de votre pays.
  • Envoyez des lettres aux ambassades brésiliennes de votre pays, afin de dénoncer l’assassinat des défenseurs et les violations criantes et continues des droits des peuples autochtones au Brésil.
  • Faites circuler cette information sur les médias sociaux, et produisez des documents permettant de dénoncer la disparition de nos frères et d’appeler à l’action. 
  • Dénoncez l’accaparement progressif des territoires autochtones de Vale do Javari par le biais des médias sociaux de vos organisations et mouvements. 

En tant qu’organisation luttant pour la justice environnementale, sociale, économique et de genre, nous condamnons une fois de plus avec détermination la violence systématique perpétrée contre les peuples autochtones et leurs territoires, violence liée à un véritable projet d’extermination mis en œuvre par le gouvernement de Jair Bolsonaro.

Avec solidarité,

Les Amis de la Terre International

Bruno Araújo Pereira and Dom Phillips
Bruno Araújo Pereira and Dom Phillips

Image: Vale do Javari Indigenous Land Ⓒ Bruno Kelly/Amazônia Real