Au cœur de la bataille contre l’Ebola

Les Amis de la Terre Liberia/SDI ont travaillé avec leurs organisations partenaires afin de fournir de l’aide dans le domaine de la prévention et des secours pour les communautés autour du Liberia. La sévérité de l’épidémie a aggravé la pression existante sur le système de santé au Liberia et énormément perturbé la vie quotidienne à travers le pays. Les Amis de la Terre International (FoEI) ont interviewé Nora Bowier de SDI, qui a travaillé sur l’initiative de l’Équipe de soutient et de sensibilisation communautaire (CAST, the Community Awareness and Support Team) afin de coordonner les efforts de prévention et de secours.
Les Amis de la Terre International: Comment est-ce que la crise affecte la vie quotidienne et votre famille, vos amis et vos collègues?
NB: L’épidémie d’Ebola a affecté les vies normales et les activités des gens. Les impacts se sont manifestés de diverses manières, en rendant les mouvements plus restreints, en affectant les sociétés, causant davantage de difficultés financières, instillant la peur et la panique, causant davantage de maladies et de morts. Beaucoup de gens continuent de perdre des êtres chers.
Certaines familles et certains amis ont été touchés plus directement, en perdant des êtres chers à l’Ebola. Comme la crise continue, d’autres ont perdu leurs emplois puisque certaines organisations – dont des organisations non-gouvernementales – ont rapidement diminué leurs activités et réduit leur force de travail en conséquence des rentrées financières qui calent. D’autres amis ont perdu des êtres chers à d’autres conditions sanitaires en raison de la détérioration d’un système de sante déjà en manque de ressources à cause de la crise de l’Ebola.
Les centres médicaux refusent les malades et de grands hôpitaux continuent de rejeter les patients qui montrent des signes et des symptômes similaires aux signes et aux symptômes du virus. Ce qui crée un risque pour les vies de davantage de Libériens. Le père d’un ami proche a récemment été refusé par de grands hôpitaux à Monrovia malgré un besoin urgent de soins de santé. Il a fini par mourir.
Les activités commerciales ont aussi rapidement diminué: les femmes sur les marchés, les vendeurs de rue et les détaillants, qui font partie des gens avec un faible salaire, assument les coûts. Bien que le gouvernement du Liberia essaie d’appliquer des mesures afin d’éviter de fausses flambées de prix, l’augmentation des prix de certaines matières premières et de certains services sont inévitables en raison de la nature de la situation. Par exemple, le coût des transports publics au travers du pays a doublé. Les prix de matières premières importantes comme le riz et le manioc ont grimpé de manière significative. Il n’y a plus que deux compagnies aériennes qui volent encore au Liberia. Voyager à l’étranger est devenu difficile, en raison de la montée en flèche des prix d’avion au double de leur prix original.
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Un autre aspect sérieux de la crise de l’Ebola est la stigmatisation et ses effets sur les relations des gens avec leurs amis et leurs familles. En raison de la nature de la maladie et de la façon dont elle se répand, la stigmatisation est devenue un problème pour les gens qui se remettent de la maladie au sein des familles qui vivent ensemble et parmi elles. Les membres de la famille sont forcés de se traiter mutuellement avec prudence et en s’isolant. Ceux qui se remettent de la maladie sont souvent rejetés par leurs communautés et leurs familles.
La situation a également affecté la vie scolaire. A l’heure actuelle, toutes les activités scolaires sont interdites. Les étudiants restent tous à la maison, la plupart d’entre eux inactifs en n’ayant rien à faire. Les mouvements des gens sont restreints, soit volontairement soit de manière forcée, afin de rester en sécurité. Les parents trouvent difficile de garder leurs enfants occupés.
Les Amis de la Terre International: Comment avez-vous été affectée personnellement par la crise de l’Ebola?
NB: La crise de l’Ebola a constitué un revers pour moi dans mon travail académique. Je suis revenue d’Irlande en juin 2014, juste au moment où la situation a commencé à dégénérer. J’étais entrain d’écrire ma dissertation en tant que partie de mes études pour ma maîtrise, mais comme le virus s’est répandu, il est devenu impossible de continuer mon travail et je suis devenue complètement distraite. Le taux de décès monte chaque jour, tuant de plus en plus de gens, dont des travailleurs de la santé. A ce jour j’ai perdu environ 5 amis dans la profession médicale. Mon attention s’est maintenant tournée vers l’initiative de l’Équipe de soutient et de sensibilisation communautaire (CAST, the Community Awareness and Support Team) afin de soutenir les efforts de prévention des communautés rurales locales.
Les Amis de la Terre International: Comment SDI en tant qu’organisation est-elle affectée par la crise de l’Ebola? Y a-t-il des membres du personnel qui ne peuvent pas aller au travail? Comment votre travail a-t-il été affecté? Est-ce que cela a changé l’objectif principal de votre travail?
NB: La crise du virus de l’Ebola a énormément bouleversé les activités normales. SDI a cessé toutes ses activités, dont le travail sur le terrain, en conséquence du rythme alarmant auquel la crise se déroule. Dans l’intérêt de la sécurité du personnel et en raison de l’incertitude à laquelle nous devons faire face, la direction a pensé qu’il serait sage de prendre la décision de licencier temporairement plus de 80% de son personnel et de renvoyer 3 membres du personnel expatrié chez eux. A l’heure actuelle, nous ne gardons qu’un personnel squelettique. Cette équipe de volontaires se concentre maintenant principalement sur le travail que fait SDI en réponse aux crises de l’Ebola.
Les Amis de la Terre International: Qu’entendez-vous des communautés rurales avec lesquelles SDI travaille? Comment est la situation la-bas?
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Le CAST (l’Équipe de soutient et de sensibilisation communautaire) entrain de distribuer des kits de prévention de l’Ebola dans diverses parties du pays. |
NB: L’impact du virus est encore comparativement bas dans la plupart des communautés dans lesquelles SDI travaille. Cependant, les gens sont saisis de panique et de peur d’une propagation possible de la maladie, étant donné qu’il y a déjà des cas suspectés et un nombre de décès confirmés dans d’autres parties des comtés où ils habitent. Qui plus est, si le virus frappe dans ces régions, l’impact sera plus catastrophique. Les installations sanitaires sont limitées ou non-existantes dans la plupart des régions et les gens ne disposent d’aucun savoir sur la manière de répondre au virus ou de s’aider eux-mêmes. Par ailleurs, des membres de la communauté ont exprimé des sentiments d’abandon car ils n’ont reçu aucune aide avant les visites de SDI. Néanmoins, le soutient et la présence de CAST dans ces communautés a apporté un certain soulagement.
Les Amis de la Terre International: Comment le travail de sensibilisation du groupe de travail de SDI/CSO progresse-t-il? Quelles communautés avez-vous atteintes à ce jour et avec quelles sortes d’activités?
NB: En vertu de l’initiative de CAST, nous avons rendu visite à 12 communautés du Clan Jogban et du compound numéro 1 du comté de Grand Bassa. Au total, nous avons fourni à 335 ménages des seaux, du savon et du chlore. Nous avons aussi donné de l’information sur l’Ebola et sur les mesures de prévention. Les membres du groupe de travail continuent d’effectuer un travail similaire, surtout aux alentours de Monrovia. Le groupe de travail est aussi entrain de créer une salle de crise, qui servira en tant que dépôt pour la dissémination d’informations qui nourriront le développement d’une brève hebdomadaire sur les divers travaux des organisations de société civile (CSO), en réponse aux crises de l’Ebola.
Le CAST et le groupe de travail des organisations de société civile (CSO) ont élargi leur coordination avec le Conseil de société civile nationale du Liberia (CSCL), un réseau-ombrelle d’organisations de société civile au Liberia et avec le Conseil religieux du Liberia. SDI et les membres du groupe de travail faisaient déjà partie du CSCL. Le centre d’attention de ceci est placé spécifiquement sur la coordination de la réponse de la société civile à l’Ebola en terme d’échange d’informations, de plaidoyer, d’action commune et d’engagement avec les parties intéressées, dont la Force de travail nationale (National Task Force), les organisations non-gouvernementales internationales (INGOs) comme médecins sans frontières, et ceux impliqués directement dans la lutte contre l’Ebola.