La crise du COVID-19 est le résultat d’un système économique qui fait passer les profits avant  l’environnement et les droits des populations.

Les crises socio-écologiques interconnectées et systémiques que nous connaissons actuellement — climatique, alimentaire, hydrique, économique, de la biodiversité, et des soins — et cette pandémie mondiale du coronavirus partagent les mêmes causes profondes : un système capitaliste, patriarcal et raciste conçu pour l’accumulation du capital et la mondialisation néolibérale impulsée par les entreprises.

C’est pourquoi Amis de la Terre International estime qu’il faut de toute urgence une « reprise juste », fondée sur la justice environnementale, sociale, de genre et économique, pour traiter les conséquences de la crise du COVID-19 de manière exhaustive.

La reprise ne signifie pas revenir « à la normale ». Il est temps de donner la priorité à la durabilité de la vie, aux droits des populations et à la protection des moyens de subsistance et de la planète.

Nous proposons quatre principes pour une reprise juste:

1. Abandonner le néolibéralisme et l’austérité et mettre immédiatement en place des politiques et mesures fondées sur la justice, prenant en compte les limites écologiques.

L’Etat doit jouer un rôle fondamental dans la garantie des droits des populations et de la justice environnementale.

Les plans de relance publics doivent:

  • Soutenir directement les populations, et avant tout les peuples autochtones, les communautés noires et afro-descendantes, les personnes de couleur, les migrants, les femmes en « bas de l’échelle » et les travailleurs.
  • Comprendre des politiques de redistribution de la richesse, d’émancipation des femmes, de justice fiscale, et des aides particulières aux petites entreprises, et des politiques d’affranchissement de la dépendance aux industries extractives et aux combustibles fossiles, incluant notamment un soutien à la reconversion des travailleurs vers de nouveaux secteurs.
  • Ne pas financer les pertes financières des entreprises avec des fonds publics, ni renflouer les entreprises multinationales, en particulier celles qui sont le plus responsables de ces crises systémiques, comme les compagnies aériennes, les entreprises minières, de combustibles fossiles et de l’agro-industrie, et les entreprises basées dans des paradis fiscaux.

Les gouvernements doivent:

  • Mettre un terme aux négociations dangereuses sur le commerce et les investissements, en particulier aux règlements des litiges entre investisseurs et États.
  • S’engager à signer un traité juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et les droits humains. 
  • Défaire les réformes néolibérales qui ont démantelé les droits des travailleurs, en infléchissant par exemple les politiques de privatisation de la sécurité sociale par le capital financier.

2. Fonder les mesures accompagnant la reprise sur la coopération multilatérale et la solidarité internationaliste, et renforcer ces principes.

L’internationalisme à travers les mouvements et les frontières nous aidera à construire des réponses collectives à cette crise. L’internationalisme signifie une compréhension commune et une analyse commune de toutes les formes d’oppression, de leurs imbrications et de la nécessité de les éradiquer toutes, de manière universelle.

Les régulations internationales doivent mettre la priorité sur les droits des populations et la justice environnementale, sociale, de genre et économique. Les pays doivent ouvrir des espaces politiques au sein desquels traiter les causes profondes des crises systémiques. Cela implique que:

  • La dette des pays du Sud soit annulée et qu’il faille appliquer les principes de réparations climatiques et de dette écologique. Les pays du Nord et les institutions financières internationales doivent apporter de nouveaux financements publics pour les pays du Sud, sous forme de subventions non remboursables.
  • Les gouvernements agissent de concert pour réguler le secteur financier, empêcher la spéculation et stopper les flux financiers et de capitaux du Sud vers le Nord.
  • Tout traitement, y compris le vaccin contre le COVID-19, soit mis à disposition de tous, aux mêmes conditions, et rester exempt de tout brevet ou droits de propriété intellectuelle.
  • La primauté des droits humains et des droits des peuples sur les accords de commerce et d’investissements soit inscrite dans le droit international.
  • Les embargos économiques et les occupations enfreignant clairement le droit humanitaire international et les droits humains (comme à Cuba, en Palestine et au Venezuela) cessent.

3. Renforcer la démocratie et protéger les droits humains et les droits des populations.

La démocratie doit être défendue et renforcée en développant la participation des citoyens. Nous devons nous réapproprier la politique, en exigeant qu’elle garantisse les droits des populations et la protection de la nature. Nous devons nous unir pour garantir que :

  • La crise sanitaire ne serve pas de prétexte pour faire avancer les visées néolibérales des entreprises (notamment de dérégulation) et celles des gros pollueurs.
  • Les droits des populations soient protégés à tout prix, en particulier le droit d’exprimer son opposition, de formuler des critiques et de protester. La criminalisation des mouvements sociaux, des organisations et des communautés cesse.
  • La dégradation des droits des femmes et de leur pouvoir de décision sur leur vie et sur leurs corps cesse.
  • Soient éradiqués l’extrême-droite et les gouvernements oppresseurs, ainsi que leur utilisation de la crise du covid pour augmenter la militarisation des sociétés et des territoires, et imposer des tactiques et des technologies de surveillance.
  • Le droit de vivre sans violence soit respecté, en particulier pour les femmes, les communautés noires et afro-descendantes, les personnes de couleur, les personnes LGBTQ et les défenseurs des territoires. 

4.  Les gouvernements doivent répondre aux multiples crises systémiques – climatique, alimentaire, de la pandémie, des inégalités, de la biodiversité et des soins – et les traiter à la racine, en aspirant à un changement de système transformateur.

La crise du COVID-19 a mis en évidence combien la destruction des écosystèmes facilite la propagation des agents pathogènes qui affectent notre santé. Une reprise juste et saine implique de répondre à la crise du changement climatique et à la destruction de la biodiversité, des forêts et des autres écosystèmes à travers le monde.

Cela implique que:

  • Les droits collectifs des populations soient reconnus, mis en œuvre et respectés, afin de préserver leurs pratiques ancestrales de gestion collective des territoires.
  • Que le système alimentaire soit radicalement transformé, pour passer d’une agriculture industrielle à la souveraineté alimentaire
  • Soient soutenus les paysans, la production familiale et artisanale, les chaînes d’approvisionnement alimentaire nationales et locales, et que les politiques publiques et les subventions s’écartent de l’agriculture industrielle pour se tourner vers l’agroécologie. Une véritable réforme agraire soit mise en place, pour donner aux populations la propriété et le contrôle de leurs semences, de leurs terres, de leur eau et de leurs savoirs.
  • Que l’on réponde simultanément à la crise du COVID-19 et à la crise climatique, en appliquant le principe des responsabilités communes mais différenciées, afin de sortir de la dépendance aux combustibles fossiles et de se tourner vers une énergie renouvelable pour tou.te.s aux mains des communautés locales.
  • Que l’on construise une nouvelle économie, conçue pour être redistributive et saine, dans laquelle les transports, la communication, le logement, l’eau et l’assainissement, l’éducation, la santé, le travail des soins, l’énergie et la sécurité sociale sont reconnus comme des droits et sont à disposition de tou.te.s à travers les services publics, financés par une fiscalité juste. Un système transformé sera fondé sur des économies locales et régionales durables, reliées entre elles par des relations de commerce équitables.

Nous demandons à ce que les principes suivants constituent la base de toutes les décisions nationales et régionales concernant les opérations de sauvetage financier, les avantages fiscaux, les cadres de régulation et les dépenses publiques, et toutes les mesures internationales et multilatérales nécessaires pour surmonter la crise du COVID-19 et la crise socio-économique qui s’ensuit, et fonder des sociétés justes et durables basées sur la souveraineté des populations et leur participation.

Principes pour une reprise juste