Sauvegarder les savoirs paysans et lutter contre les plantations de monoculture : L’agroécologie comme résistance au Costa Rica

Au cours des dernières années, le Costa Rica a connu une expansion de l’agriculture orientée vers l’exportation, avec un développement important des plantations de monoculture d’ananas, de palmiers à huile, de bananes et de café. Dans la même période, la surface plantée de cultures vivrières qui assurent la subsistance du pays, comme le riz, les haricots et le maïs, a été « radicalement réduite », selon Mariana Porras, membre de Coecoceiba – Les Amis de la Terre Costa Rica, dans une interview accordée à Real World Radio.
Conséquence directe de ce processus, le Costa Rica doit désormais importer des aliments de base, y compris des cultures qui étaient autrefois traditionnelles dans le pays. Les chiffres indiquent que la superficie consacrée aux cultures vivrières a été réduite de près de 70 %
Cela implique « qu’une grande partie de la population paysanne qui dépendait de ces cultures pour sa subsistance est en train de disparaître ». Selon Mariana Porras, le nombre de paysans a été réduit de plus de 50 %.
« Nous avons de moins en moins de paysans dans le pays, ces personnes représentent désormais la main-d’œuvre de l’agriculture industrielle, dans les plantations d’ananas par exemple, ce qui a des impact profonds sur l’utilisation renforcée d’agrotoxiques, sur l’accaparement des terres, sur la pollution de l’eau et sur les conditions de travail propres à ce type d’agriculture ».
Espaces de résistance
Dans ce contexte, la résistance s’organise et des initiatives en faveur d’un modèle agricole diversifié et exempt d’agrotoxiques s’organisent dans différents secteurs. Le National Learning Institute (Institut national d’apprentissage) travaille depuis des années avec les paysans à la sauvegarde des pratiques d’agriculture biologique.
« Malheureusement, une grande partie du savoir paysan a été perdue du fait que les agriculteurs ont vécu une phase importante de la révolution verte, au cours de laquelle on leur a dit et répété qu’il n’est pas possible de produire sans herbicides ni engrais chimiques ».
Porras souligne l’importance de ces espaces de sauvegarde et d’échange des semences pour la résistance : « Nous avons ici des marchés verts, où s’échangent uniquement des produits agrobiologiques ». Au Costa Rica, des systèmes de certification participatifs sont également mis en œuvre « en opposition à la certification institutionnelle des produits biologiques qui est très coûteuse pour les producteurs, et en fin de compte pour les consommateurs également ».
Avec le Front environnemental du Costa Rica (la Frente Ecologista Costarricense) et le Réseau de coordination en matière de biodiversité (la Red de Coordinación en Biodiversidad), Coecoceiba a participé à des ateliers d’agroécologie et de régénération des sols auprès des peuples autochtones Bribri de la région de Salitre, qui mènent en ce moment un processus de revendication de leurs terres ancestrales.
« Ce sont des ateliers à la thématique très vaste qui ont réussi à faire en sorte que les communautés défendent leurs territoires mais aussi leurs savoirs et leur souveraineté alimentaire, deux facteurs qui sont tout aussi fondamentaux pour ces processus de récupération de leurs terres ».
L’organisation travaille également à ce qu’elle appelle la « restauration environnementale des forêts ». Dans la région Nord du pays, il a été possible de restaurer des terres qui avaient été utilisées pour du pâturage et de la monoculture d’ananas, dont les sols étaient très dégradés. Ils ont pu le reboiser avec une grande diversité d’espèces d’arbres autochtones, de plantes médicinales, de palmiers, de lianes, entre autres.
Grâce à la gestion communautaire des forêts, également dans la zone Nord, les gens ont dressé un inventaire de la flore, des protocoles d’usage et de gestion des forêts, des protocoles de surveillance, entre autres. Cela a favorisé le renforcement de la défense et de l’appropriation de ces zones par les communautés, et par extension, a renforcé leur souveraineté alimentaire, comme l’a expliqué Porras.
Un important axe de travail pour la promotion de l’agroécologie est la collaboration avec les organisations et les mouvements qui luttent à travers le pays contre les semences et les aliments génétiquement modifiés. Ils sont ainsi parvenus à ce que « 81 des 85 cantons (92%) soient déclarés Sans-‘OGM ». Ils mènent également une campagne pour un étiquetage obligatoire des produits contenant des ingrédients génétiquement modifiés.