Des communautés en lutte pour l’interdiction des agrotoxiques et la promotion de l’agroécologie au Salvador

Le pays ayant le moins de terres arables en Amérique centrale est lui aussi confronté à la réalité de l’expansion croissante du modèle de monoculture pour l’exportation. Au cours de la dernière décennie, la superficie des monocultures de canne à sucre a augmenté de 50 %, occupant environ 80 000 hectares* sur les 930 000 cultivés dans ce pays.
Les écologistes et les mouvements paysans dénoncent l’impact généré par ce modèle agricole : accaparement des ressources en eau, problèmes de santé des travailleurs et des populations voisines dus à l’utilisation de produits agrotoxiques, exploitation des enfants, déforestation, déplacement des cultures vivrières de la population locale, entre autres.
Walter Gómez, promoteur environnemental spécialisé dans l’agroécologie au sein de CESTA-Amis de la Terre Salvador, explique, dans une interview accordée à « Real World Radio », comment le modèle de monoculture de la canne à sucre a affecté la souveraineté alimentaire du pays : « Au cours des dernières décennies, la subsistance de plus de 400 000 personnes produisant des céréales de base (maïs, haricots, sorgho, riz) et des légumes, a été menacée par l’expansion des plantations de monoculture de canne à sucre ».
Cette culture, poursuit-il, « exige de grandes quantités d’eau, ainsi que des produits agrotoxiques qui sont épandus par de petits avions, ce qui entraine une terrible pollution de nombreuses communautés rurales. ».
Les impacts des produits agrotoxiques dans le pays sont graves. Selon le ministère de la Santé du Salvador, entre 2007 et 2012, près de 10 000 intoxications aiguës par contact et exposition aux agrotoxiques ont été enregistrées au niveau national. Le ministère lui-même a lié l’utilisation de pesticides à des cas de maladies rénales chroniques, qui provoquent la mort de 500 à 800 personnes par an.
Formations, réseaux et lobbying
Walter indique que l’un des axes de travail pour la promotion des pratiques agroécologiques est la zone de Bajo Lempa, où la monoculture de la canne a progressé : « nous y avons des groupes d’agriculteurs qui développent des pratiques agroécologiques, c’est-à-dire qui travaillent sur le recyclage des nutriments, la diversification productive, la gestion agroécologique de certains ravageurs ou maladies. Avec eux, nous recherchons la stabilité de l’ensemble de l’agroécosystème ».
Le sauvetage des semences autochtones est un autre axe de travail important : « Il existe déjà huit sanctuaires de semences dans différentes communautés, qui sont des centres de conservation où les gens viennent pour prendre, échanger et préserver les semences. »
Une tâche importante pour un pays vulnérable aux effets du changement climatique, comme le Salvador, est l’adaptation des semences : « L’année dernière, il y a eu une sécheresse, et la récolte de maïs ainsi qu’une partie de la récolte de haricots ont été perdues.
De plus, le changement climatique a contribué à l’apparition d’un ravageur, le puceron jaune, qui a ruiné la récolte de sorgho. Alors cette année, des mesures de précaution ont été prises, toujours dans le cadre de l’agroécologie, en fabriquant un sorte de bouillon minéral pour éviter les dégâts provoqués par les ravageurs ».
Walter souligne l’importance du travail politique. « L’agroécologie est un phénomène politique », souligne-t-il, tout en précisant que cette année, des manifestations et marches ont été organisées et un travail de lobbying a été mené auprès du Parlement pour parvenir à un moratoire et une abolition de l’utilisation des agrotoxiques dans le pays.
Ecoutez l’interview de 2016 en anglais ci-dessous :
Avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19 en 2020, CESTA a soutenu les familles de San Vicente dans la poursuite de leurs initiatives agroécologiques, garantissant ainsi l’accès à une alimentation saine et favorisant la production locale. Avec l’organisation « Mouvement des populations affectées par le changement climatique et les multinationales » (Movement of Peoples Affected by Climate Change and Corporations – MOVIAC), ils/elles font pression pour que soit votée une loi qui favorise le développement de l’agroécologie au Salvador. Pour en savoir plus regardez cette vidéo.
*A noter qu’à la fin de 2021, cinq ans après la réalisation de cette interview, l’étendue de la monoculture de canne à sucre dans le pays couvre 110 000 hectares.