La Journée Continentale pour la Démocratie et contre le Néolibéralisme 2017

Du 16 au 18 novembre 2017, des milliers de personnes de tout le continent américain se sont rassemblées à Montevideo, en Uruguay, pour la Journée Continentale pour la Démocratie et contre le Néolibéralisme.
La Journée Continentale pour la Démocratie et contre le Néolibéralisme est une journée de lutte et de mobilisations, décidée par des mouvements et des organisations sociales du continent afin de faire face à l’avancée néolibérale et à la reconfiguration de la droite, qui est en train de s’intensifier et qui apporte à nos peuples la souffrance, la violence et la mort.
La Journée continentale est le résultat de la rencontre de plusieurs organisations d’Amérique latine et des Caraïbes qui, 10 ans après la défaite de l’Accord de libre-échange des Amériques (ALCA), se sont réunies à La Havane (Cuba) en novembre 2015 pour célébrer l’articulation des peuples qui fit échouer la tentative de recolonisation de l’Amérique latine et des Caraïbes orchestrée par le néolibéralisme.
Les axes de lutte déterminés par les organisations populaires à La Havane sont la résistance au néolibéralisme, aux transnationales et au libre-échange, la défense de la démocratie et la souveraineté et l’intégration des peuples. L’écologie et la lutte contre le patriarcat sont des axes transversaux.
Parmi les organisations qui se sont jointes au combat de la Journée continentale et qui ont organisé la « Rencontre de Montevideo », on notera la présence de: la Confédération Syndicale des Amériques (CSA), la Marche mondiale des femmes, la Coordination latino-américaine des organisations paysannes (CLOC – Vía Campesina), la Campagne mondiale pour le démantèlement du pouvoir des multinationales, Jubileo Sur, Amis de la Terre Amérique Latine et Caraïbes (ATALC), et bien d’autres mouvements syndicaux, paysans, de peuples autochtones, féministes, écologistes et anti-impérialistes du continent.

Des milliers de personnes ont participé à la manifestation qui a inauguré la Rencontre de Montevideo
Le programme de la Rencontre de Montevideo a débuté le matin du jeudi 16 novembre avec une large manifestation en plein centre de la capitale uruguayenne. La manifestation, qui s‘est déroulée dans le cadre d’une grève générale partielle convoquée par les forces syndicales uruguayennes, a rassemblé plus de trois mille personnes. Dès les premières heures, elle a été galvanisée par la batucada de la Marche mondiale des femmes et les chants et slogans de lutte des organisations et mouvements sociaux présents. Au bout du parcours de la manifestation était organisée une cérémonie d’ouverture de la Rencontre, avec des interventions diverses, comme celle de Francisca « Pancha » Rodríguez, de la CLOC – Via Campesina, membre de la Association Nationale de Femmes Rurales et autochtones du Chili (ANAMURI), ou de Marcelo Abdala, secrétaire général de la Fédération syndicale uruguayenne PIT-CNT.
Francisca « Pancha » Rodríguez, CLOC – Vía Campesina et ANAMURI
Dans une vidéo projetée à cette occasion, l’ex-président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, a souligné l’importance de la Rencontre de Montevideo et a exprimé ses regrets de ne pouvoir y être présent. Lula a mis l’accent sur les progrès réalisés dans l’intégration latino-américaine et la construction d’une voix souveraine, qui ont clairement perturbé les capitaux transnationaux. Karin Nansen, présidente des Amis de la Terre International, était également présente sur scène à la cérémonie d’ouverture, aux côtés d’autres représentants de mouvements sociaux, de syndicats et de partis politiques.
L’après-midi s’est poursuivi avec la présentation de la Rencontre, sur la scène située dans le vélodrome du Parc Batlle, lieu choisi pour le déroulement des activités. On a pu y entendre l’ancien président uruguayen, José “Pepe” Mujica:
« Notre bonheur s’incarne dans le militantisme, la lutte pour les transformations sociales, pour exprimer notre solidarité. Il n’y pas de victoire définitive. La victoire, c’est de continuer à avancer. »
L’ancien chef d’État a appelé le peuple à être critique, à ne pas se faire l’acteur du capitalisme, à tirer les enseignements des échecs et à ne jamais abandonner le combat.
Karin Nansen, présidente des Amis de la Terre International, a participé au panel chargé d’inaugurer la Rencontre de Montevideo. Dans son exposé, elle a revendiqué le droit des mouvements sociaux à résister et à « construire des projets politiques pour et par les peuples ».
Le deuxième jour – vendredi 17 – a débuté par une batucada matinale pleine de vigueur, lancée par les camarades de la Marche mondiale des femmes, dont les tee-shirts et pancartes arboraient divers slogans:
“Ni papes, ni juges, ce sont les femmes qui décident”
“Femmes en lutte jusqu’à ce que nous soyons toutes libres”
Avec l’écologie, la lutte contre le patriarcat a constitué un des axes transversaux des divers débats, comme voulu par le protocole de la Journée continentale.
Puis c’est une journée intense qui a démarré, avec un travail simultané sur quatre principaux axes: Libre-échange, Démocratie et souveraineté, Multinationales, et Intégration des peuples. Dans chacun des quatre chapiteaux dressés au cœur du vélodrome, des intervenants d’organisations diverses ont exposé leur vision sur de nombreux thèmes liés à ces quatre axes. Les assistants y ont également joué un rôle important, cherchant à faciliter la participation et les échanges au travers de micros ouverts, la lutte nécessitant les contributions et les convictions de toutes et de tous.
Après la session du matin et la pause-déjeuner aux divers stands montés au sein du vélodrome, celle de l’après-midi s’est poursuivie sur les mêmes thèmes. Les mêmes intervenants ont présenté les combats concrets menés – ou amenés à l’être – pour contrecarrer l’offensive néolibérale.

Panel sur les multinationales, avec, entre autres, Silvia Quiroa (ATALC) et Laura Zúñiga – fille de Berta Cáceres.
Les principes de solidarité, d’internationalisme, d’unité entre les peuples et de lutte ont imprégné tous les débats de manière constante.
Au fil de la journée, diverses voix se sont fait entendre:
« La moitié du territoire mexicain est destiné à l’industrie minière »
Gustavo Castro, Amis de la Terre Amérique Latine y el Caraïbes
« L’Amérique Latine et les Caraïbes représentent la région la plus convoitée par les multinationales au niveau mondial »
Cecilia Olivet, Transnational Institute
« Actuellement, plus de trois millions de personnes dans le monde vivent avec moins de 2,5 dollars par jour. Les populations en sont réduites à la misère »
Juan Diego Gómez, ISP Colombie
« Nous devons construire une contre-offensive à l’agression néolibérale, qui allie l’ensemble des combats menés par nos mouvements »
Ticiana Studart, Marche mondiale des femmes
A la fin de la session, après une récapitulation synthétique des débats de la journée, un hommage a été rendu à l’ancien président cubain Fidel Castro, avec divers discours et interventions musicales à sa mémoire, près d’un an après sa mort (le 25 novembre 2016).
Le dernier jour de la Rencontre de Montevideo, le samedi 18, c’est la convergence des mouvements sociaux qui a été examinée en plénière, dans le chapiteau principal, juste après la mistica mise en scène par une délégation représentant le peuple charrua.

Délégation du peuple autochtone charrua lors de la mistica du dernier jour de la Rencontre de Montevideo
A cette occasion, les éléments abordés lors des débats de la journée précédente sur les quatre axes soumis à discussion ont été exposés. L’équipe de Convergence de la communication des mouvements sociaux a également été présentée. La trentaine de journalistes et militants qui la composent se sont chargés de la couverture médiatique, et se sont répartis en différents groupes: photographie, vidéos, radio, texte, web et réseaux sociaux. Une partie de cette équipe était constituée par des camarades de Radio Monde Réel. D’après plusieurs membres du groupe, la Rencontre de Montevideo a été la première véritable expérience de convergence en matière de communication dans le cadre de la Journée continentale initiée en 2015, et le travail a été perçu comme très positif.
Les responsables de la communication des organisations et des mouvements sociaux présents, ainsi que les médias proches de leurs luttes, ont une fois de plus collaboré dans une logique d’unité et de solidarité, mettant en exergue la recherche d’objectifs communs, le travail coopératif et la mise à profit des divers potentiels, plutôt qu’une logique de division et de concurrence égoïste au bénéfice d’un intérêt individuel.
Enfin, la déclaration finale a été exposée, avec ses vingt-neuf éléments d’analyse et d’action. La Rencontre de Montevideo s’est clôturée par cette déclaration finale et avec la ferme intention de continuer à renforcer nos efforts.
L’impression générale sur la Rencontre a été très positive. Les participants de toutes les organisations ont souligné qu’il ne s’agissait pas d’une fin en soi et que la Journée continentale était un processus de construction et de lutte continu visant à offrir des alternatives collectives.
Ces journées ont été marquées par la mobilisation, les débats politiques, la construction de convergences et la définition d’actions communes à l’horizon 2018.
Parmi les actions convenues pour les mois qui viennent, la première était la mobilisation d’opposition au sommet ministériel de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), du 10 au 13 décembre 2017 à Buenos Aires (Argentine), avec une décision sans précédent qui a interdit l’accès à la société civile.
Pour 2018, nous pouvons d’ores et déjà noter les mobilisations du 8 Mars pour la Journée internationale des femmes, le Forum alternatif de l’eau à Brasilia (Brésil), la contestation du sommet des Amériques à Lima (Pérou)), la mobilisation contre le G20 en Argentine et les mobilisations nationales du 19 au 25 novembre pour revendiquer et actualiser les accords trouvés à Montevideo. Ces journées de novembre seront le point culminant des manifestations de rue dans le cadre de la Journée continentale pour la démocratie et contre le néolibéralisme en 2018.
La Rencontre de Montevideo a permis de rappeler l’importance d’une union des Amériques et de réaffirmer la conviction que seules une telle articulation et une telle convergence permettront de faire le poids face au modèle impérialiste, patriarcal, néolibéral et raciste. Cette intégration devient encore plus nécessaire après les événements politiques les plus notoires des derniers temps, comme les élections frauduleuses au Honduras et le procès intenté à l’ancien président brésilien Lula da Silva pour l’empêcher de se présenter aux prochaines élections.
Nous poursuivons le combat!
Images: Groupe de convergence de la communication – Journée continentale pour la démocratie et contre le néolibéralisme