Protest at WTO in Buenos Aires 10 13 Dec 2017 Credit Cobertura colaborativa Fuera OMC files

Les accords commerciaux ont une incidence sur notre quotidien, ce que nous mangeons et l’énergie que nous utilisons, ils ne peuvent pas être conclu dans le secret, derrière des portes closes. Malheureusement, c’est exactement ce qu’il se passe pour la prochaine réunion de l’Organisation mondiale du Commerce, qui se tient à Buenos Aires du 10 au 13 décembre prochain.

Les Amis de la Terre International demandent des politiques commerciales justes et durables depuis plus de deux décennies, mais c’est la première fois que nous nous voyons refuser le droit de participer à une réunion de l’OMC.

Le gouvernement argentin a annulé notre accréditation, avec celles de 60 autres personnes de différentes organisations syndicales, paysannes et de protection des droits des consommateurs, dans une manœuvre sans précédent.

La raison officielle de cette interdiction est que nous avons « lancé des appels explicites à des protestations violentes sur les médias sociaux, souhaitant créer des scènes de chaos et d’intimidation ». Cependant, cette information peut être démentie simplement en allant sur notre compte Twitter, qui n’a jamais incité à la violence.

En même temps, nous n’avons pas peur de montrer notre désaccord avec de nombreuses politiques et accords pro-entreprises de l’OMC et du gouvernement argentin, qui sont souvent des entraves à l’action contre le changement climatique.

Lorsque la Mission Solaire Nationale de l’Inde, qui vise à amener de l’énergie à des millions de personnes grâce à 100 GW d’énergie solaire, a été reconnue « coupable » par l’OMC de créer des emplois locaux, nous sommes intervenu.

Nous avons également protesté contre les politiques de l’OMC qui pénalisent et interdisent aux pays en développement d’adopter des programmes publics de stockage. Ces politiques empêchent les plus pauvres du monde d’avoir accès à la souveraineté alimentaire, et les paysans et autochtones d’avoir des moyens de subsistance, mais permettent à l’UE et aux Etats-Unis de subsidier lourdement les marchés mondiaux dans l’intérêt de l’agrobusiness, provoquant la ruine des agriculteurs à l’étranger.

Restreindre nos droits à débattre et nous opposer à ces politiques commerciales est une attaque contre note capacité à décider dans quel monde nous voulons vivre. La répression contre la société civile du gouvernement du Président argentin Mauricio Macri est inquiétante et révèle le vrai visage de ce gouvernement: néolibéral, favorable aux entreprises et au service d’un pour cent de la population.

Il est donc assez peu surprenant que les lobbyistes des entreprises multinationales telles que Shell, Amazon et Monsanto aient tous pu conserver leur accréditation à l’OMC, et profiteront des repas et cérémonies officiels, comme d’habitude. Ces mêmes multinationales détiennent et gèrent les chaines d’approvisionnement de plus de 50% du commerce mondial, mais ne représentent que 2% des emplois au monde.

Si le Directeur général Roberto Azevêdo autorise la réunion en Argentine, il se rend complice de cette tentative de faire taire la voix de la société civile. Nous empêcher de participer aux négociations de l’OMC remet encore davantage en question sa légitimité.

Cette décision fait partie d’une tendance à la baisse de la transparence dans les accords commerciaux. Le Partenariat économique régional global (RCEP) est négocié pour l’instant par 16 pays asiatiques dans un secret presque complet, n’offrant presque aucune possibilité de participation publique. La plupart des responsables élus auront au mieux un accès limité aux textes négociés, avec des règles de confidentialité très strictes, et ceux-ci resteront hors de portée pour les groupes de la société civile et les citoyens. Les consultations ad-hoc des parties prenantes, souvent symboliques, sont loin d’être suffisantes pour rendre le processus transparent et participatif.

Les millions d’Européens qui ont protesté contre le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) ont été poussé à agir au vu de l’effet dévastateur de l’accord sur les personnes et l’environnement, mais également parce qu’il était négocié en secret. Les gens veulent avoir leur mot à dire dans leur avenir.

Environ 30% du produit mondial brut est lié au commerce. Ces négociations auront une incidence sur l’emploi, les règlements nationaux et les soins de santé. Les citoyens ont le droit de savoir comment l’accord est négocié, qui l’influence et ce qui est en jeu.

Beaucoup de négociations internationales offrent davantage de transparence. Par exemple, dans le Groupe intergouvernemental des Nations Unies sur les entreprises transnationales en lien avec les droits de l’homme, la société civile est considérée comme un partenaire actif et les observateurs et experts ont la possibilité d’assister aux sessions et d’y contribuer.

Malgré les tentatives visant à nous faire taire, nous continuerons à exiger un nouveau système commercial, un système basé sur la coopération entre les peuples, des réseaux commerciaux éthiques et directs, des emplois décents, une politiques environnementale durable, les droits humains, une énergie responsable et la souveraineté alimentaire pour les communautés.

Alberto Villarreal est porte-parole pour les questions commerciales des Amis de la Terre Amérique latine et Caraïbes, basé en Uruguay.

Il s’est vu refuser la participation à la réunion de l’OMC à Buenos Aires du 10 au 13 décembre.

Image: Cobertura colaborativa Fuera OMC