Les obstacles à une transition juste dans les pays du Sud 

Il y a une nécessité urgente d’abandonner le système énergétique reposant sur les combustibles fossiles en opérant une transition rapide et juste vers un système privilégiant les énergies renouvelables et basé sur la suffisance énergétique pour tous et toutes. 

Ce rapport présente quatre études de cas dans le but d’examiner les transitions énergétiques du Sud : l’Inde, la Palestine, le Bangladesh et l’Argentine. Il souligne les obstacles et fournit des recommandations sur les moyens de promouvoir les énergies renouvelables dans le respect des droits des peuples dans les pays du sud global. 

Pourquoi une transition juste ?

Le besoin urgent de s’affranchir des combustibles fossiles dans une logique équitable exige un développement à grande échelle des énergies renouvelables beaucoup plus rapide, mais juste, aux quatre coins du monde. Les Amis de la Terre International donnent la priorité à une énergie renouvelable produite à petite échelle, contrôlée par les communautés et décentralisée, qui profite aux peuples. Des projets comme ceux-ci au Bangladesh, en Palestine et aux Philippines, à des sociétés justes et féministes, selon les préceptes de la souveraineté énergétique.

Toutefois, une expansion rapide des énergies renouvelables nécessite une infrastructure plus développée. 

Jusqu’à présent, beaucoup de grands projets de production d’énergie renouvelable ont trop souvent reproduit les mêmes modèles que le système extractif actuel. Ce système est bâti sur les combustibles fossiles et de grandes installations hydroélectriques, l’énergie nucléaire et l’exploitation industrielle de la biomasse. Certaines parties du mouvement pour le climat se focalisent sur le besoin urgent de lutter contre les changements climatiques et de déployer les énergies renouvelables au détriment des droits des peuples des pays du Sud, en ce qui concerne les terres, l’alimentation, l’eau, les moyens de subsistance et l’accès à l’énergie.

Cette tendance a engendré des projets axés sur les énergies renouvelables (y compris l’extraction de matières premières telles que le lithium) qui ont joué un rôle actif dans le déplacement de communautés ou les préjudices qu’elles ont subis, et qui n’ont eu aucune retombée positive sur l’accès à l’énergie de ces communautés. Il en ressort un risque de rejet massif des plus grandes installations de production d’énergie renouvelable dans les pays du Sud. 

Des études de cas sur les énergies renouvelables et l’utilisation des terres

« Transition juste ou juste une transition ? Le projet Rewa Ultra Mega Solar » examine l’incidence d’une installation de 750 mégawatts (MW) sur des terres entourant plusieurs villages et communautés du district de Rewa, en Inde.

« Promouvoir les énergies renouvelables en temps d’occupation : effets socio-environnementaux de l’exploitation de l’énergie solaire en Palestine » explore les possibilités d’amélioration de l’accès à l’énergie en soulignant des lacunes en ce qui concerne l’évaluation et le suivi des impacts environnementaux.

« Pas de place pour le solaire : vaincre l’apathie politique pour déployer la technologie solaire sur les toits du Bangladesh » souligne l’importance d’un bon leadership et de l’application rigoureuse des politiques pour le déploiement des énergies renouvelables à plus grande échelle.

« Alimenter des transitions vers les énergies renouvelables grâce au “colonialisme énergétique” ? Une exploration de l’extraction de lithium à Fiambalá, en Argentine » explore les répercussions de chaînes d’approvisionnement d’une matière première dont nous avons besoin pour les transitions vers les énergies renouvelables. 

Des obstacles et des recommandations pour le développement des énergies renouvelables

Le but du rapport est de faciliter l’apprentissage et de produire des recommandations sur les moyens de promouvoir les énergies renouvelables dans le respect des droits des peuples et sans provoquer de nuisance. 

Il met en évidence les obstacles suivants :

  • « Accaparement vert » et colonialisme énergétique
  • Mauvaise prise en compte des modes d’utilisation des terres et des ressources hydriques
  • Absence d’une politique de conservation, d’évaluation des impacts environnementaux et de suivi
  • Oppression et apathie politiques
  • Des structures patriarcales qui empêchent la participation des femmes au-delà de la prise de décisions au sein du foyer
  • Obsolescence de l’infrastructure du réseau

Le rapport formule les recommandations suivantes 

  1. Assurez-vous que les communautés hôtes des projets de production d’énergie renouvelable participent de façon concrète aux processus de prise des décisions qui les concernent et profitent de façon significative de leurs avantages. Ces derniers doivent inclure un accès à une énergie en quantité suffisante et à un coût abordable ainsi que des possibilités socioéconomiques qui favorisent la communauté de façon plus large, plutôt que la création de tensions et de divisions. 
  2. Promouvez la place des femmes dans les postes techniques et décisionnels en dehors de la sphère domestique. Une action ciblée et constante est nécessaire, notamment en faveur de la bonne application des politiques de prise en compte du genre, au même titre qu’une formation et des possibilités de leadership équitables afin d’assurer des transitions justes pour tous et toutes ne profitant pas seulement à 50 % de la société.
  3. Prenez bien en compte les modes d’utilisation saisonniers des terres (et des ressources hydriques) des communautés locales, y compris les disparités intersectionnelles liées au genre et aux normes et pratiques socioculturelles. Il est également important de tenir compte des pratiques des communautés ne possédant pas de terres, telles que les communautés pastorales.
  4. Prenez connaissance du coût environnemental et socioéconomique de l’apathie politique favorisant des approches conservatrices centralisées reposant sur les combustibles fossiles. Veillez à assurer l’efficacité et l’adaptation au contexte des politiques afin de promouvoir le déploiement rapide des énergies renouvelables, par exemple d’installations solaires sur les toits. 
  5. Élaborez des politiques nationales visant à protéger les habitats écologiques reconnus pour leur importance par la Convention de Ramsar sur les zones humides et assurez-vous de pouvoir effectuer un suivi indépendant de l’application des politiques relatives aux impacts environnementaux.

Afin de favoriser une transition juste vers un avenir énergétique qui apportera réellement des transformations pour les communautés directement touchées par les installations de l’infrastructure des énergies renouvelables et l’extraction de matières premières, les enseignements tirés de ces études de cas et d’autres cas similaires doivent également être pris en compte par les responsables politiques et les activistes. 

Les Amis de la Terre International possèdent de nombreux exemples positifs provenant du terrain montrant les effets transformateurs des énergies renouvelables dans les pays du Sud, mais ils ne reflètent pas toute la réalité, et le présent rapport dresse un état des lieux plus sombre. Pour relever les défis de la crise climatique via le déploiement des énergies renouvelables tout en répondant aux problèmes d’accès à l’énergie dans les pays du Sud, les droits des peuples ne doivent pas être sacrifiés au nom de « l’intérêt collectif supérieur » et les erreurs du système énergétique actuel reposant sur les combustibles fossiles et l’extraction ne doivent pas être reproduites.