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Madrid, Espagne, le 13 décembre 2019

Les perspectives pour les populations vulnérables du Sud paraissent bien sombres : les pays riches refusent de payer pour les dégâts climatiques qu’ils ont provoqués, alors que les gouvernements et les entreprises du Nord continuent à promouvoir le commerce du carbone. Tel est le constat des Amis de la Terre International à l’issue d’une nouvelle série de négociations sur le climat très décevantes. La fédération pour la justice environnementale a rappelé que la répression des revendications populaires au Chili avait eu pour écho la réduction au silence des voix de la société civile lors de ce sommet sur le climat déconnecté de la réalité.

Sara Shaw, coordinatrice du programme « Justice climatique et énergie » pour les Amis de la Terre International, a déclaré :

« Alors que nous pensions que la lenteur et le manque d’ambition observés à l’occasion des négociations sur le climat ne pouvaient pas empirer, la CdP25 a eu lieu. Nous avons alors assisté à la liquidation pure et simple d’un Accord de Paris déjà affaibli, avec la progression d’un commerce du carbone trompeur qui ne fera qu’exacerber la crise climatique et nuire aux populations du Sud. Nous y avons vu les pays développés refuser de financer les pertes et les dégâts causés, tout en s’efforçant de trouver une formulation qui les dégagerait de leur responsabilité pour les impacts de leurs émissions. »

« Nous sommes outrés de constater qu’alors que tant de personnes souffrent déjà des effets du changement climatique, les entreprises et les gouvernements des pays riches s’appliquent à anéantir tout espoir d’un maintien de l’augmentation de la température mondiale en deçà de 1,5 degré. Et lorsque nous nous sommes levés pour protester pacifiquement à la CdP25, nous avons subi une violente répression. »

Avec un « budget » carbone pour rester sous la barre de 1,5 degré à peu près épuisé, la possibilité de maintenir la planète à une température viable pour tous s’amenuise sérieusement. Les pays riches à l’origine la crise climatique tirent pourtant profit de failles afin d’éviter de réduire leurs émissions plutôt que de laisser les combustibles fossiles dans leurs sous-sols.

L’accord sur les marchés du carbone susceptible d’être adopté à la CdP ne réduira pas les émissions. Il risque davantage de les augmenter en permettant un déluge de crédits issus de systèmes d’échange antérieurs, ainsi que le double comptage des réductions. Les échanges de droits d’émission de carbone violent de surcroît les droits humains, en particulier ceux des peuples autochtones et des populations du Sud dont les terres et les moyens d’existence sont confisqués à des fins de compensation. L’opposition est grande : 175 organisations ont signé une pétition contre les marchés du carbone.

Les grands pollueurs tels que Shell, Chevron et BP, qui ont tout pour gagner des mécanismes du marché, ont été présents en nombre à la CdP25.(1) Les marchés du carbone permettront à ces gros pollueurs de prétendre à des activités « vertes » tout en poursuivant leurs exploitations habituelles pour les décennies à venir, sacrifiant les populations au passage.

La CdP25 aurait également dû apporter une aide requise de toute urgence, y compris financière, aux pays du Sud qui souffrent d’ores déjà des pertes et des dégâts causés par la dégradation du climat. La réaction des pays du Nord et des élites consiste à l’inverse à sacrifier la majorité de la population mondiale : la vie et les moyens d’existence du plus grand nombre paieront pour les modes de vie de quelques-uns.

Karin Nansen (de l’Uruguay), présidente des Amis de la Terre International, a expliqué :

« La prétendue « ambition » des gouvernements des pays développés est feinte. Ils sont au service des intérêts des entreprises qui cherchent à bénéficier de la crise et à garantir l’accumulation de capital. Les voix de ceux qui défendent les droits des peuples autochtones, des femmes et des populations du Sud ont été violemment écartées de la CdP, dans une volonté manifeste de les réduire au silence. Pourtant les peuples – à Madrid, à Santiago et partout dans le monde – se lèvent et continueront à lutter pour la justice environnementale, sociale, économique et de genre : pour un changement de système. Nous continuerons d’exiger que les gouvernements soient responsables devant la population et non devant les entreprises polluantes. »

L’année prochaine, la CdP26 aura lieu à Glasgow. Mary Church, des Amis de la Terre Écosse, a déclaré :

« La CdP de Glasgow sera la quatrième d’affilée à se tenir dans le Nord, ce qui représentera un obstacle supplémentaire à la participation du Sud. Au vu des résultats des élections d’hier, nous nous attendons à une poursuite des contrôles aux frontières du Royaume-Uni, dans ce qui constitue un « environnement hostile » raciste. L’ONU doit faire pression sur le nouveau gouvernement britannique afin de s’assurer que les voix des personnes les plus durement touchées par la crise climatique ne soient pas réduites au silence ou mises à l’écart lors de la CdP26. Les projets de développement des secteurs pétroliers et gaziers du Royaume-Uni sont absolument incompatibles avec les déclarations des leaders en matière de climat. Nous avons beaucoup de retard dans le paiement de notre dette carbone. La CdP de Glasgow servira de cri de ralliement pour toutes celles et tous ceux qui s’inquiètent du sort de notre planète et des peuples de l’ensemble du globe. Le monde entier tournera son regard vers nous. Il n’est pas trop tard pour agir. »

Les matériels de référence

(1) Un rapport récent laisse entendre qu’au cours des cinq prochaines années, le secteur pétrolier et gazier a l’intention d’investir 1,4 trillion de dollars dans le développement de nouvelles activités d’extraction de pétrole et de gaz. Ce rapport s’appuie sur des recherches selon lesquelles les gouvernements prévoient d’extraire, d’ici 2030, 120 % de pétrole, de gaz et de charbon de plus que ce qui est possible si nous voulons maintenir la hausse des températures sous 1,5°C.

Les parts équitables pour le climat (page Web, 2019)

La Décennie Zéro : S’attaquer au changement climatique demande rapidité et audace (2016)

Le manifeste « À nous la souveraineté énergétique, tout de suite ! » (2018)

Contacts pour les médias

Sara Shaw, Co-coordinatrice du Programme pour la justice climatique et l’énergie, Les Amis de la Terre International
sara[at]foe.co.uk /@climatemouse

Pour les renseignements généraux : Madeleine Race
p
ress[at]foei.org / @foeint