Le nouveau rapport du GIEC démontre l’accélération des impacts du changement climatique

Pourtant, en catimini, les pays riches ont tenté sans vergogne d’escamoter des références essentielles aux Pertes et Dommages causées par le changement climatiques ainsi qu’au soutien financier indispensable qui doit être fourni aux pays en développement pour les aider à s’adapter.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE – AMSTERDAM, 28 février 2022 – Les experts mondiaux et les militants du climat ont condamné les tentatives des États-Unis et des pays développés de faire disparaître la terminologie clé du financement du climat dans le très attendu 6ème rapport d’évaluation (AR6) du Groupe de travail II (GT2) du GIEC. Selon eux, c’est une tentative désespérée de ces acteurs majeurs du changement climatique pour se soustraire à toute responsabilité. Dans ce qui aurait dû être un processus scientifique, et non politique, les pays riches se sont battus pour faire disparaître les références à des concepts clés tels que les « pertes et dommages » et pour atténuer les références aux montants indispensables pour financer l’adaptation. Selon le rapport publié ce jour, les impacts climatiques surviennent bien plus tôt qu’envisagé initialement et vont devenir de plus en plus graves, de plus en plus rapidement, ce qui rend urgente une augmentation des moyens financiers pour contribuer à remédier aux impacts du changement climatique dans les pays en voie de développement.
Des militants et des experts des Amis de la Terre International, la plus grande fédération au monde luttant pour l’environnement depuis la base, ont réagi à ce rapport :
Meena Raman, Sahabat Alam Malaysia / Amis de la Terre Malaisie, a commenté :
« C’est une honte que des décennies de lâcheté de la part des décideurs dans les nations industrielles riches nous aient amenés au bord de la catastrophe climatique, comme le démontre clairement ce dernier Rapport d’évaluation du GIEC. Les États-Unis, en particulier, doivent reconnaître leur rôle dans la création des impacts climatiques que nous subissons actuellement.
Nous avons pu largement contrecarrer les tentatives des pays développés de supprimer dans le Rapport du GIEC, le concept même de « pertes et dommages », ainsi que le financement des mesures compensatoires correspondantes, mais nous condamnons ces manœuvres dilatoires de la part des principaux responsables de la crise climatique. Il s’agit d’une tentative éhontée de se soustraire à leurs responsabilités et de filer sans payer la note.
Les scientifiques ont confirmé que les pays développés doivent de toute urgence allouer des fonds beaucoup plus importants aux pays en développement, afin de leur permettre de mettre en œuvre des mesures d’adaptation et de compenser les dommages irréparables causés par les impacts climatiques. Ce financement est nécessaire pour assurer le bien-être de leurs citoyens et de leurs économies. Sans cela, nos progrès durement acquis en matière d’équité, d’égalité, de droits et de justice seront réduits à néant. »
Hemantha Withanage, président des Amis de la Terre International, basé au Sri Lanka, a déclaré :
« Les impacts climatiques se produisent déjà partout dans le monde, et bien plus rapidement et avec des conséquences bien plus graves que ce qui était envisagé initialement. Aujourd’hui, nous sommes déjà témoins de phénomènes météorologiques extrêmes que les scientifiques ne s’attendaient pas à voir avant l’An 2100. Après l’écran de fumée des fausses annonces flamboyantes de la COP26, ce rapport est un rappel brutal à réalité : Le chaos climatique est à nos portes. C’est maintenant qu’il faut changer le système. Les vraies réductions d’émissions, les vraies solutions, doivent être mises en œuvre sans attendre. »
Amos Nkpeebo, des Amis de la Terre Ghana, a ajouté :
« Le nouveau rapport du GIEC confirme que certains dommages causés par le changement climatique sont d’ores et déjà irréparables et qu’il sera impossible pour de nombreuses communautés de s’y adapter, surtout si le seuil de 1,5 degrés est franchi. Nous risquons de voir des centaines de millions de personnes devenir des réfugiés climatiques au cours de ce siècle et des pans entiers de terres agricoles réduits en poussière. Nous exigeons de manière urgente que soient débloqués des moyens financiers pour soutenir l’adaptation et pour compenser les pertes et dommages, afin d’aider les populations vulnérables. »
Comme le démontre le rapport du GIEC, la vulnérabilité à la crise est façonnée par l’héritage permanent du colonialisme, ainsi que par des processus de marginalisation croisés, tels que le genre, l’identité autochtone, la santé, la pauvreté, les conflits et l’éducation. La science réaffirme que les plus vulnérables et les plus marginalisés doivent être prioritaires lors de la mise en œuvre des solutions.
Anabela Lemos, JA ! Justiça Ambiental / Amis de la Terre Mozambique, précise :
« Pour les 3,6 milliards de personnes vivant dans des pays hautement vulnérables au changement climatique – dont la quasi-totalité se trouve dans le Sud – ce rapport n’a rien de nouveau.(1) Ceux d’entre nous qui sont en première ligne de la crise climatique le crient sur les toits depuis des décennies. L’Afrique est confrontée à certains des pires impacts, et les régions les plus chaudes sont déjà entrain de devenir intolérables à la vie. Nous ne permettrons pas que nos vies, nos terres et nos cultures soient sacrifiées à la politique de mauvaise foi et aux profits à court terme de l’élite mondiale. »
Selon le rapport, les régions du Sud auront du mal à s’adapter aux conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes sur la production alimentaire. Dans le Rapport détaillé sur lequel est basé la Synthèse destinée aux décideurs politiques, les scientifiques alertent sur le fait que cette évolution va empêcher la réalisation de l’ODD n°2 de l’ONU « Zéro Faim » dans des régions telles que l’Afrique, l’Asie du Sud et les petits États insulaires.
Le rapport souligne également que les droits et les connaissances des peuples autochtones sont indispensables pour lutter contre le changement climatique. 80 % de la biodiversité de la planète, en diminution, se trouve sur les terres autochtones, et les modifications des écosystèmes ont des répercussions immédiates sur les peuples autochtones et les communautés locales.
Ricardo Navarro, CESTA / Amis de la Terre Salvador, a ajouté :
« Nous assistons aux premières extinctions dues au climat et certaines forêts, pergélisols et tourbières se sont déjà transformées, passant du statut de puits de carbone à celui de sources de carbone. Ces changements sont irréversibles. Les écosystèmes florissants qui nous aidaient autrefois à freiner l’évolution du climat accélèrent désormais la crise, en pliant sous des conditions jamais vues au cours des derniers millénaires. Seule une réduction totale des combustibles fossiles et des énergies sales peut nous empêcher de franchir d’autres points de basculement. »
Le rapport du GIEC met également en garde contre certains des dangers liés à la mise en œuvre de solutions technologiques dangereuses telles que la modification du rayonnement solaire et la bioénergie à grande échelle, avec ou sans capture et stockage du carbone.(2)
Sara Shaw, coordinatrice du programme « Justice climatique et énergie » aux Amis de la Terre International, déclare :
« Ce rapport tire la sonnette d’alarme sur les risques que font courir quelques-unes des solutions technologiques sur lesquelles les pays riches et les multinationales parient pour ne pas avoir à mettre en œuvre une élimination progressive des combustibles fossiles, élimination qui est pourtant urgente et nécessaire. »
Avec ce rapport, la science réitère une fois de plus ce que des centaines de milliers de personnes réclamaient dans les rues de Glasgow et du monde entier en novembre dernier : une action décisive et systémique de la part des gouvernements. Cela signifie de mettre fin aux subventions pour les projets de combustibles fossiles, des flux conséquents de financement climatique depuis les pays développés vers les pays en développement, et une transition équitable et rapide vers les énergies renouvelables, pour tous.
Notes pour la presse:
(1) IPCC, 2022: Summary for Policymakers, In: Climate Change 2022 Impacts, Adaptation & Vulnerability, Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change B.2 (page 12) – en Anglais seulement.
(2) IPCC, 2022: Summary for Policymakers, In: Climate Change 2022 Impacts, Adaptation & Vulnerability, Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change B.5.4 and B.5.5 (Page 20, 21) – en Anglais seulement.
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