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En 2012, la découverte de gisements de pétrole au Togo, au large des côtes de Doevi Kope, a été confirmée. Leur exploitation affecterait Doevi Kope ainsi que d’autres villages, notamment Gbetsogbe et Katanga.

« Partout où l’on extrait du pétrole en mer, les réserves de poissons sont décimées. »

Togbe Doevi, Chef du village de Doevi Kope

Si le gouvernement n’en a pas informé les communautés locales, les Amis de la Terre Togo ont tiré la sonnette d’alarme sur ces potentiels futurs forages et leurs conséquences. Les communautés locales de Doevi Kope sont maintenant unies dans leur lutte contre le plausible assaut de l’exploration pétrolière. Voici leur récit.

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« Nous ne savions pas que des gisements pétroliers avaient été découverts, le gouvernement ne nous a informés de rien. Mais je remercie les Amis de la Terre Togo. Quand ils ont eu vent du projet, ils ont été les premiers à venir et à nous alerter. »

Togbe Doevi, Chef du village de Doevi Kope

Lorsque des gisements ont été découverts pour la première fois en 2010, le gouvernement togolais a signé un contrat d’exploration et de production contrat avec le géant italien de l’énergie ENI, à l’insu des populations de Doevi Kope. Cette découverte a été certifiée par l’étude d’impact environnemental réalisée en 2012. En grande partie grâce à la campagne à grande échelle menée auprès des communautés locales et des journalistes par des organisations dont les Amis de la Terre Togo, le contrat a été résilié.

La campagne a été l’occasion pour les Amis de la Terre Togo de montrer aux communautés locales de Doevi Kope les conséquences engendrées par des projets d’extraction pétrolière similaires au Nigéria et au Tchad. Des habitants de la région se sont rendus au Ghana en 2014 pour prendre eux-mêmes la mesure de leur impact.

Les dommages qu’ils ont constatés étaient terribles; la pollution au pétrole avait exterminé les populations de poissons, contaminé les terres agricoles, empoisonné les animaux et détruit les moyens de subsistance.

« Nous avons réalisé que le Nigéria est le premier pays producteur d’Afrique et cependant le plus pauvre ». Pourquoi une telle pauvreté? Parce que là où l’on fore pour exploiter le pétrole, les poissons sont exterminés et les populations ne peuvent plus pêcher. C’est ce qui est arrivé au Ghana. Même les terres sont anéanties. Les populations locales tombent malades. Elles ne travaillent plus. Nous allons subir les mêmes ravages. »

Togbe Doevi, Chef du village de Doevi Kope

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« Au Ghana, les communautés locales nous ont raconté combien elles souffrent, malgré l’exploitation du pétrole. On leur avait promis qu’elles seraient relogées après le début de l’opération, mais ça ne s’est pas fait. Les enfants ne peuvent pas aller à l’école car leurs parents n’ont pas les moyens. Quand les hommes vont en mer, ils ne trouvent plus rien. La population souffre de la faim. »

Madame Kpatanyo Gbadebou, qui travaille à la transformation (fumage) et à la vente du poisson

Les femmes comme Kpatanyo sont aussi durement touchées par la réduction des ressources halieutiques car ce sont elles qui se chargent de transformer et vendre le poisson.

Les communautés locales n’ont pas été informées au Ghana et les promesses d’embauche qui leur ont été faites sont restées lettre morte.

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« Au Ghana, le projet a été décidé sans même que les communautés locales en aient pris connaissance. Il ne fait travailler aucun membre de ces communautés. Les jeunes en souffrent. L’agriculture et la pêche ont disparu. Les femmes en subissent également l’impact: elles n’ont plus de moyen de subsistance. Tout ce que le projet a engendré, c’est de la souffrance. Donc s’ils veulent répliquer le modèle ici, on répondra qu’on en a vu les conséquences. On doit bien attirer l’attention sur le fait que c’est un projet néfaste. » 

M. Ametowou Djama, pêcheur du village de Doevi Kope.

Les habitants de Doevi Kope ne voulaient pas subir les mêmes dommages que leurs voisins pour l’exploration pétrolière au Togo

Il ne s’agit pas du premier mégaprojet imposé aux communautés du littoral au Togo. Dans les années 1960, Doevi Kope a vu la construction d’un port qui a modifié les marées et provoqué une érosion côtière. La mer a envahi des terres et détruit des habitations.

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« J’ai construit ma première maison à Doevi Kope lorsque l’érosion maritime a commencé. C’est la troisième maison que nous avons construite. Elle date de l’année dernière. L’érosion maritime a détruit ma maison et ma famille. »

M. John Darius Somi, pêcheur

Le port a modifié les méthodes de pêche, obligeant les pêcheurs à s’éloigner de la côte et à risquer beaucoup plus leur vie. Jusqu’à présent, le gouvernement a ignoré les inquiétudes des communautés locales. A l’heure actuelle, il fait construire un nouveau port qui accentuera l’érosion côtière et intensifiera les déplacements de population.

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Par ailleurs, la lutte contre l’exploitation pétrolière est loin d’être terminée. Depuis la phase d’exploration, aucune information officielle n’a été diffusée. Les Amis de la Terre Togo ont appris que le gouvernement avait toujours le projet d’exploiter les gisements,  mais qu’il cherchait à travailler avec une autre entreprise.

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« Nous allons devoir quitter nos terres, nous n’allons pas trouver d’endroit où nous installer. Et cela va semer la confusion au sein de la communauté. S’ils trouvent du pétrole et le gouvernement souhaite lancer l’exploitation, nous solliciterons votre soutien pour les en dissuader. Car les pays où c’est ce qu’il s’est passé ont été ravagés.  »

M. Démého Amekoudji, issu d’une famille de pêcheurs

Les Amis de la Terre Togo et les communautés locales n’attendront pas le début des forages. Ils sont préparés, ils mobilisent et consolident la résistance à l’extraction pétrolière au Togo.

Images: © Komla Atsu Haleluya/ Les Amis de la Terre International